CentipedeRTK ou la naissance d’un géocommun
12 janvier 2024
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RTK360, le kit de collecte de Carto’Cité

Connaissez-vous le Kit de Collecte Carto’Cité, qu'on pourrait baptiser K3C en référence à son illustre grand frère le V6MPack (lui-même un dérivé du V4MBike, qui avait attiré l'attention lors de l'édition 2018 de State of the Map France à Bordeaux) ? Mais cet outil a vocation à essaimer : appelons-le plutôt le kit RTK360.

Le RTK360 est né d'un constat et d'un besoin. Dès 2016 pour la cartographie de l'intérieur des grandes gares de Paris sur OpenStreetMap, nous avons constaté que collecter des photos 360° avec une grande densité permet de visualiser un lieu complexe depuis son bureau, et de reporter sur la carte un grand nombre d'informations. Nous avons vite été convaincus que dissocier la collecte terrain et la numérisation permet d'optimiser le temps passé sur le terrain, et d'y consacrer toute l'attention requise. L'opérateur doit en effet se concentrer sur des objectifs simples, mais qui exigent de la concentration : garantir que l'ensemble du périmètre à relever est couvert (chaque quai de gare, chaque escalier, chaque arrêt de bus à proximité, etc.), éviter de gêner les flux de voyageurs, assurer sa sécurité.

Quant au besoin, il s'est présenté à Carto’Cité en 2021 suite à la décision par SNCF Transilien de cartographier sur OpenStreetMap l'ensemble des 425 gares et stations de tramway de son réseau. Après les 85 gares du RER C que nous avions traitées en 2018, il nous restait 340 gares, réparties sur 14 lignes, à arpenter dans un délai de 18 mois.

Pour répondre à cette demande et à ce délai, nous avons décidé de déployer 4 outils de collecte (dont le V6MPack), et avons formé une équipe de 6 personnes avec nos partenaires Jungle Bus et Adrien Pavie. Ainsi 2 binômes pouvaient opérer sur le terrain en même temps.

De quoi est constitué le RTK360 ?

Le RTK360 permet de collecter lors d'une journée de terrain plusieurs milliers de photosphères précisément géolocalisées. Les éléments constitutifs du RTK360 sont donc la photographie, la géolocalisation, et l'autonomie.

La photographie est assurée par une caméra 360° placée au-dessus de l'opérateur, au moyen d'une perche fixée à un sac à dos. Nous avons utilisé deux modèles. La GoPro Max propose un mode timelapse qui permet une prise de vue toutes les 2 secondes. Cela représente une photo tous les 3 mètres en marchant à 5,5 km/h. Elle peut être associée à une télécommande portée au poignet, qui permet de déclencher et interrompre la prise de vues, tout en s'assurant du bon fonctionnement de la caméra (décompte du nombre de photos et niveau de la batterie). Nous avons également utilisé la caméra Ricoh Theta Z1, qui produit de meilleures photos mais ne dispose pas de mode timelapse : chaque photo est déclenchée par une télécommande, dont la connexion Bluetooth est parfois capricieuse.

C'est au niveau de la géolocalisation que le RTK360 est le plus novateur. L'apparition sur le marché du RTK Surveyor de Sparkfun (100% open source et open hardware) et la montée en puissance du réseau Centipede permettent d'accéder au monde de la géolocalisation centimétrique pour quelques centaines d'euros.

CentipedeRTK est un sujet passionnant qui fera l'objet d'un prochain article. Précisons toutefois que son utilisation est libre et gratuite, et nécessite une application mobile afin de communiquer au récepteur RTK les informations diffusées par le réseau Centipede. Un smartphone avec une connexion internet mobile est donc nécessaire.

Le gain de précision du RTK est illustré par les copies d'écran ci-dessous. Les 2 traces oranges correspondent au même trajet, à proximité de la gare du Nord à Paris. La trace de gauche, captée avec un téléphone, montre une précision pouvant dépasser 20 mètres. La trace de droite, obtenue avec un récepteur RTK, montre quelques courbes : celles-ci correspondent au contournement d'obstacles tels qu'un arrêt de bus ou une terrasse de café. La précision est inférieure à un mètre, même dans les conditions défavorables d'un boulevard haussmannien (les hauts immeubles réduisent le nombre de satellites visibles et perturbent la réception de leur signal).

Le RTK360 intègre donc un récepteur RTK relié à une antenne GNSS bi-fréquence placée au-dessus de la caméra. On assure ainsi une réception optimale, sans que l'antenne soit visible sur les photosphères. Bien sûr la géolocalisation ne fonctionne pas à l'intérieur des bâtiments et dans les souterrains, mais elle reste correcte voire bonne sous un couvert végétal ou sous les toits abritant certains quais de gares.

Enfin, l'autonomie est assurée par deux éléments. Une carte microSD de 64 Go insérée dans la caméra GoPro permet de stocker près de 20 000 photos. Une batterie de 20 000 mAh, qui alimente en permanence la caméra et le récepteur RTK, est suffisante pour une voire deux journées de collecte.

L'ensemble des composants (caméra, récepteur RTK et batterie) sont intégrés à un sac à dos, avec un peu de bricolage pour stabiliser la perche portant la caméra. L'opérateur dispose ainsi de ses 2 mains (une pour le smartphone l'autre pour ouvrir les portes éventuelles), peut transporter de l'eau, quelques vivres et vêtements.

Après la collecte

Une fois la collecte effectuée, il reste à géolocaliser les photos avec la trace du récepteur RTK. En effet la position RTK n'est pas intégrée aux photos. On obtient d'un côté les photos non géolocalisées (ou géolocalisées sans RTK), de l'autre une trace GPX. Cette dernière peut être collectée avec une application du smartphone telle que GPSLogger ou OsmAnd. Elle peut également être extraite du RTK Surveyor, elle est alors au format NMEA qui contient une grande quantité de données, notamment la précision estimée pour chaque point de la trace.

Le logiciel JOSM permet facilement de géolocaliser les photos avec la trace, par corrélation du timestamp associé à chaque photo (on fera donc attention à bien régler la date et l'heure de la caméra) et à chaque position de la trace RTK. L'outil de corrélation de JOSM permet en quelques clics de géolocaliser ET d'orienter l'ensemble des photos. L'orientation est en effet essentielle pour cartographier ce qu'on observe sur les photos. Enfin, le greffon photo_geotagging permet de stocker ces informations dans les tags EXIF de chaque photo.

Vous pouvez dès lors actualiser et améliorer la carte OSM à partir de ces photos, et bien sûr les partager sous licence libre avec la plateforme Mapillary et le projet Panoramax.

Vers une démocratisation du RTK360 ?

Le kit RTK360 a fait ses preuves. Pour la cartographie des gares et de leurs environs, les 3 kits ont assuré un total de 70 jours de collecte et ont produit plusieurs centaines de millers de photosphères. Vous pouvez en visualiser une partie sur Mapillary. Dans le cadre d'une expérimentation sur l'accessibilité, nous avons également utilisé un kit sur quelques trottoirs de Créteil : vous pouvez voir les photos sur notre instance Geovisio.

Lors de l'édition 2023 du State of the Map France à Marseille, nous avons animé l'atelier "Viens tester le RTK" (vidéo disponible sur l'instance Peertube de l'association OpenStreetMap France) : une dizaine de contributeurs OSM ont pu goûter à la précision centimétrique, et y goûter c'est l'adopter !

Depuis, nous avons fourni un récepteur et une antenne RTK pour le groupe OpenStreetMap de Grenoble et livré 3 kits à la société Jungle Bus pour le projet Eazyway de l'entreprise Arrow. Si l'utilisation de géolocalisation RTK avec le réseau Centipede requiert une courte formation, l'excellente précision et le gain de temps pour exploiter les photos sont tels que nous nous attendons à une démocratisation de ce mode de collecte.

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Publié le 23 août 2023. Texte et photos sous licence Creative Commons CC-BY-SA 4.0